Masks Also Live
« The magic of cinema both imbues inanimate objects with life
and carries out the mortification of living subjects.»
Nora M. Alter in Chris Marker, University of Illinois Press,(2006).
Nora M. Alter in Chris Marker, University of Illinois Press,(2006).
Ce projet de film est la suite d’une résidence de recherche et de création réalisée en février 2015 au Sainsbury Centre for Visual Arts. Dans le cadre de Time and Place (TAP), programme européen de coopération transfrontalière INTERREG IVA France Manche-Angleterre, cofinancé par le FEDER.
À cette occasion, j’écris, je mets en scène et je chorégraphie un événement intitulé « Beyond The Mask: Masquerade » qui a pris la forme d’une visite guidée dans tout le bâtiment de Norman Foster. Cette expérience a été ensuite restituée lors d’une conversation avec Antoine Huet pour être publiée sous la forme d’un carnet de résidence sur le site de Réseau Documents d’Artistes en mai 2015. Ce film est la forme aboutie de ces étapes de travail.
Contexte
Edifié dans les années 70 pour accueillir la collection d’objets d’art de Lisa et Robert Sainsbury, ce musée possède plusieurs collections qui présentent « 5000 ans de créativité » avec une volonté universaliste. Comme tous les musées, il est une entité à fort potentiel imaginaire qui résonne de toutes les histoires des différents types objets conservés et exposés. Les histoires de cette collection se superposent et se télescopent puisque nous voyageons entre différentes périodes de l’histoire de l’art occidental mais aussi d’objets anciens ou plus récents de provenance plus lointaine d’anciens pays coloniaux ou non. C’est par son activité au quotidien, par l’expérience qu’en font les usagers du lieu, qu’ils soient conservateurs, scientifiques, étudiants, artistes, gardiens, guides, visiteurs que ce musée vit et produit de la magie pour devenir le terrain de jeu idéal de la fiction. Le film propose de redonner vie aux masques du musée, en référence au film de Chris Marker et Alain Resnais, « Les Statues meurent aussi » dans lequel les réalisateurs dénoncent la mortification des objets importés des colonies africaines devenant statue d’« art nègre » dès leur entrée au musée. Le film parcourt le territoire du Sainsbury Centre en compagnie d’étranges visiteurs dans un jeu où l’architecture devient costume, où les objets s’animent et les corps à leur tour deviennent objets proposant une nouvelle expérience de la visite guidée d’un musée.
Synopsis
Dans un musée en activité mais bizarrement vide de public, un groupe de visiteurs masqués, emmenés par un guide extraverti, lui aussi masqué, se déplacent à la découverte du lieu et de sa collection. Le guide dirige, raconte, s’étonne, les visiteurs observent, écoutent, commentent, se passionnent pour l’architecture, pour les objets exposés, jouent de leurs masques dans une ambiance bon enfant et comique. Au cours de ce voyage à travers le bâtiment et ses histoires, interviennent des personnages costumés et masqués animés d’un dessein étrange participant ainsi à la visite. Figés ils se mélangent aux oeuvres, en mouvement ils hantent les lieux de leurs déplacements créant une atmosphère surréaliste à cette visite.
Le point de vue
Le film est un plan séquence en temps « réel » de la visite. La caméra explore l’expérience en train de se vivre. Elle se déplace dans l’espace comme un acteur du groupe dans la continuité grâce à une prise de vue au steadycam inspirée du film d’Alexander Sokurov, Russian Ark 2002. Des prises de vue plus larges ou sur des détails ou bien sur des personnes, viennent rythmer pour créer des plans de coupe. Le jeu des acteurs ainsi que la bande sonore est fortement inspirée du film de Jacques Tati, Play Time, de 1967 pour donner une ambiance de fête et de jeu.
Le guide
Acteur homme ou femme, d’origine africaine, il ressemble plus à un guide de visite touristique qu’à un guide de musée. Il est habitué à conduire des groupes importants de personnes peu disciplinées. Souvent, il sur-joue sont rôle avec une gestuelle de gymnaste frôlant à tous moments le grand écart. Comique mais aussi passionné par son sujet il est très concentré et convainquant, il égaye les situations. Il s’inspire du texte écrit lors de ma résidence pour produire lui même son discours pas toujours compréhensible car il mélange les langues, anglais, français, langue d’Afrique. Il porte son masque avec fierté, n’hésite pas à le repositionner en permanence pour produire son effet. Il est habillé normalement. L’acteur est encore en cours de casting au City College de Norwich.
Le groupe de visiteur
Au nombre approximatif de dix personnes habituées du musée : moitié homme et femme. Ils se déplacent toujours en groupe. Ils sont avides de découvertes, curieux, dociles bien que parfois étourdis. Bruyants, comme des enfants ils commentent tout ce qu’ils voient mais ne s’adressent jamais au guide. Naïfs, ils s’amusent des situations, jouent de leurs masques. Ils sont habillés normalement.
Les porteurs de costumes
Un groupe de 6 danseurs hommes et femmes masqués et costumés, ils fonctionnent de manière autonome par rapport à la visite guidée. Ils appartiennent à une autre histoire et donne un ton surréel, voir science fictionnel au film. Leur comportement est mi-humain car ils marchent, s’assoient, dansent et mi-objet car ils adoptent souvent des postures statiques. Ils sont partie prenante de l’espace du musée et apparaissent dans le cadre au même titre que les objets exposés
Les masques et les costumes
Ils s’apparentent plus à des objets portés qu’à des vêtements, ils contraignent les corps et font le lien avec l’espace du musée. Leurs motifs et leurs couleurs reprennent le langage architectural de Norman Forster.
Le gardien de musée
Il ou elle joue son rôle habituel avec sa propre logique et crée une profondeur dans le champ de la caméra. Ils ancrent le film dans sa dimension réelle et documentaire.
Les objets de la collection et l’architecture
Ils sont le sujet et l’objet du film, à leur place dans l’espace d’exposition, sur les cimaises, dans les vitrines du musée. Ils deviennent acteurs quand ils sont filmés de manière à prendre vie et sont en permanence en dialogue avec les porteurs de costumes. Ils construisent le récit de la visite.